Nuit de poussière
Ali Hazara
France | 2011 | 20 min
Sous-titres : anglais, français
Recrue des ateliers Varan, Ali Hazara filme les balayeurs de nuit de Kaboul. Pour un salaire de misère, ces pauvres hères venus de la banlieue, déplacent une lourde poussière le long d'une avenue, dans la lumière des phares et le bruit incessant du trafic. Ombres parmi les ombres, ils dansent devant la caméra un ballet dérisoire : celui de la marche incertaine d'un pays vers la « modernité ».
« Tant qu'on a le souffle, on a la souffrance » s'exclame une voix éraillée et haletante, hors-champ, avant d'ajouter avec une ironie non feinte : « la poussière, c'est notre grande richesse. » Cette voix est celle d'un balayeur. Quittant avec ses deux fils sa banlieue lointaine à la tombée du soir, il passe chaque nuit à balayer une avenue du centre de Kaboul, élargie à la va-vite par les Japonais qui ont injecté dans l'opération une dizaine de millions de dollars, dont plusieurs ont été détournés : « La corruption ne se lassera jamais de ce pays » constate l'homme, obligé de balayer cette artère à longueur de nuit pour un salaire de misère. Issu des ateliers Varan, Ali Hazara filme en plans fixes ce labeur de Sisyphe, cette Nuit de poussière rythmée par le son presque ensorcelant des balais et des véhicules filant sur la chaussée. Autour d'un thé, l'homme veut convaincre, en vain, ses fils d'apprendre un métier, plutôt que de savoir lire et écrire. Mais il est bientôt temps pour eux de retourner, ombres parmi les ombres, danser devant la caméra un ballet dérisoire : celui de la marche incertaine d'un pays vers la « modernité ».
Emmanuel Chicon