And How Miserable Is the Home of Evil

« L'islam se dresse naturellement contre le complot des démocraties libérales pour dominer le monde. » Au moment où nous écrivons ces lignes, c'est ce genre de sentence sans appel qu'Ali Khamenei, guide suprême de la « République » islamique d'Iran, prononce dans des vidéos téléchargeables en haute définition sur son site officiel. Une mine d'or pour qui ourdirait de détourner ces archives en ligne aux fins de leur faire signifier tout autre chose. Tel est le projet entrepris par Saleh Kashefi, artiste visuel iranien réfugié en Suisse. Désireux de prendre « [sa] part » à la révolte en cours dans son pays natal, il s'attaque à celui « qui a influencé chaque seconde de [sa] vie ». En le prenant à son propre piège, sur le terrain de son image publique. À la manière d'une fiction politique aussi percutante que fauchée, Kaleshi raconte avec And How Miserable Is the Home of Evil la chute du dictateur, comme s'il était là pour enregistrer ce moment (à l'instar des reporters de Peter Watkins commentant les évènements de La Commune), en recréant une bande-son qui prête de troublantes émotions au Chef, recroquevillé sur son trône, dans l'attente de sa fin certaine, tandis qu'enfle la rumeur de la rue.

Emmanuel Chicon