Tahrir – Liberation Square

Le Caire, 31 janvier 2011. Elsayed, Noha et Ahmed sont jeunes, ils sont égyptiens et depuis cinq jours ils occupent la place Tahrir jour et nuit. Ils crient, chantent, slament et psalmodient avec des milliers d’autres Egyptiens ce qu’ils n’ont pas pu dire à voix haute jusqu’ici. Tahrir - Place de la libération est d’abord et avant tout un film de la clameur. Tournant en solo avec un enregistreur indépendant de sa caméra (ici un simple boîtier pour passer inaperçu), Stefano Savona a privilégié la parole, mettant son micro au cœur de la mêlée. Si à Tahrir on invente des slogans, on apprend aussi à se ravitailler et à partager ce que l’on a, à lancer des pierres, à soigner les blessés, à défier l’armée, à préserver le territoire conquis – un espace de liberté où l’on s’enivre de mots pour tenir. C’est cette puissance du « nous » qui s’invente au jour le jour que ce film donne à voir, la fabrique d’une révolution sans leader, où le tragique et la fête ont partie liée, tant que dure la parole. « Le cinéma direct, c’est l’image du verbe » disait Pierre Perrault. Miracle renouvelé.

Laurent Roth