Emmanuel Carrère
France | 2003 | 105 min
Langues : français, russe
Sous-titre : français
Radiographie d'un deuil, variation sur les faux-semblants et les fantômes, le premier – et à ce jour – seul film documentaire d'Emmanuel Carrère, ne ressemble à rien de connu, sinon à ce qui anime ses livres. Le médium change, l'enquête demeure, qui cherche le romanesque latent sous la réalité manifeste d'autres vies que la sienne.
En 2000, Emmanuel Carrère part effectuer, pour Envoyé spécial, un premier tournage à Kotelnitch, sur les traces d’un prisonnier de guerre hongrois enfermé 55 ans, oublié de tous, dans l’hôpital psychiatrique de cette petite ville perdue aux confins de l’Oural. Là, il rencontre Ania, francophile mythomane, et son fiancé Sacha, officier local du FSB. De retour deux ans plus tard, il retrouve le couple « romanesque », avant d’apprendre quelque temps après qu’Ania et son bébé ont été sauvagement assassinés par un fou. Il revient alors une dernière fois pour filmer une famille russe frappée par le malheur. En organisant les matériaux collectés au montage, Carrère cherche moins à dresser un mausolée suspect à la mémoire de la défunte qu’à ordonner une réflexion, par l’image, sur sa place à lui. Retour à Kotelnitch apparaît ainsi comme une enquête, un « rapport » sur la manière dont l’écrivain-cinéaste est travaillé par le film, et comment s’effectue son passage de l’observation distanciée de la réalité, à son incorporation corps et âme, dans l’histoire qu’il cherche à nous raconter.
Emmanuel Chicon