Landshaft

Une Jigouli déglinguée cahote le long d'une vallée cernée de montagnes entre le lac Sevan et l'Azerbaïdjan. À bord du véhicule où s'est embarqué Daniel Kötter, prennent place des habitant·e·s de cette région de l'Est de l'Arménie. Ils·elles racontent, en son direct ou en voix off, la dernière guerre éclair déclenchée à l'automne 2020 par les pouvoirs azerbaïdjanais pour le contrôle du Haut-Karabakh. Même si ce dernier est situé plus au sud, le conflit a fait bouger la frontière de ce côté là, aussi. Celle-ci traverse désormais la mine d'or de Sotk, dont les pouvoirs arméniens ont octroyé la concession à une compagnie russe en 2007, et qui est désormais partiellement occupée par « les Turcs », comme on les surnomme. Dans ce road-movie magnifiquement cadré, se tissent les récits parallèles de la guerre et de l'exploitation aurifère, qui semblent être les deux faces d'une même violence faite au paysage. En donnant la parole à celles et ceux qui regardent avec inquiétude les puissant·e·s des deux bords se déchirer sur leur dos, Landshaft révèle la psychogéographie profonde d'un territoire soumis à la logique mortifère de l'ethno-nationalisme post-soviétique.

Emmanuel Chicon