Shehrezad Maher
Pakistan, États-Unis | 2018 | 61 min
Première mondiale
Langue : ourdou
Sous-titres : anglais, français
A Karachi, des ambulanciers font la sieste en attendant qu'on fasse appel à eux. Ce moment de calme contraste avec la brutalité des interventions sur les lieux d'accidents, de noyades ou de meurtres, que l'on ne verra jamais – en tout cas, jamais en vrai. Car ici le spectacle de la violence et du malheur n'existe que par les mots, dans les rêves, ou reconstitué pour une émission télévisée. Faux sang, vraies souffrances. Celles des ambulanciers chaque jour confrontés à la mort, celles des victimes dont les déboires sont impitoyablement rejoués pour le divertissement de tous, celles enfin d'une société qui pousse ses membres à se jeter d'un pont ou à empoisonner leur famille. Ce hors-champ irrigue la réflexion puissante mise en œuvre par Shehrezad Maher, qui construit au fil des séquences une dialectique opposant mémoire et fiction, traumatisme et fascination, dont on traverse en permanence les frontières perméables. L'attention aux rituels, qu'il s'agisse de repeindre une ambulance ou de répéter une scène tirée d'un fait divers, prend alors tout son sens, celui d'une violence intériorisée, dont le cinéma peut seul révéler les racines.
Céline Guenot