Le refuge

Les premières images du film de Nadia Touijer sont presque volées : la réalisatrice doit faire face à une interdiction de filmer, donc de voir et de faire voir. Le spectateur pressent dès le début l’existence d’un secret qu’on ne devrait pas dévoiler. La caméra arrive néanmoins à contourner l’obstacle et pénètre dans le cimetière de Jallez dans la périphérie de Tunis. Un monde parallèle s’y dévoile, où les ombres des mendiants côtoient les tombes. Les vivants comme les morts s’y retrouvent à la recherche de miséricorde. La voix off du mendiant qui nous guide dans ce jardin secret révèle un quotidien où les morts donnent du travail aux vivants. Son geste précis et délicat, par lequel il blanchit et embellit les tombes, s’apparente à un rituel sacré. Le cimetière devient un havre de paix  et un espace protégé entouré par la ville, un monde suspendu où les mendiants n’ont pas honte de leur vie ; les âmes errantes ne jugent pas. Un lieu de survie et d’espoir mais aussi d’ancrage et d’apprentissage.

Jasmin Basic