Carropasajero

Quelque part dans le désert entre la Colombie et le Venezuela, un véhicule anachronique transporte des passager·ère·s de tous âges, entre veille et sommeil. Rythmée par le cahin-caha de la route, la caméra se fraie délicatement une place parmi les visages. Des mots s'élèvent, en espagnol, et surtout en wayúu, la langue parlée par le peuple indigène du même nom, très présent dans cette région de La Guajira. Le halo désertique opère à l'image et diffuse la sensation de se perdre parmi les limbes, raccord avec la teneur spirituelle de récits où l'on évoque la mort sans détour, où se racontent en creux les violences coloniales et les exils forcés du 19e siècle. Recueillant les lumières du jour et de la nuit, la mise en scène, attentive à l'horizontalité, fait confiance aux ciels et crée ainsi de l'espace. Par contraste, elle isole des détails et travaille le fragment. Un rayon de soleil se fond dans une paume, parmi les lignes de la main. Ethnographe ou chamane, la caméra a-t-elle eu accès aux fantômes ? Nous sentons, comme un frisson, le privilège d'assister au dialogue des âmes.
Cloé Tralci

Cesar Alejandro Jaimes
Carropasajero, 2024
Lapü, 2019
Portete, 2004

Juan Pablo Polanco Carranza
Carropasajero, 2024
Lapü, 2019
A la deriva, 2018
Portete, 2004